Airbnb en Belgique : État des lieux en 2025

Airbnb en Belgique : État des lieux en 2025
Airbnb a bouleversé le marché de la location touristique en Belgique, notamment à Bruxelles. La popularité de cette plateforme a fait émerger des règles fiscales et administratives strictes, des contrôles accrus et des préoccupations vis-à-vis de son impact sur le marché immobilier.
Voyons ensemble les réglementations en vigueur par région, les outils de détection et de lutte contre les fraudes, ainsi que les conséquences concrètes pour les propriétaires, les pouvoirs publics et le marché locatif.
Essor d’Airbnb & Enjeux à Bruxelles et en Belgique
Airbnb est devenu un « gros business » en Belgique. On est loin du simple particulier louant une chambre chez l’habitant : de plus en plus de personnes investissent dans des propriétés pour les louer exclusivement à des touristes via la plateforme.
Sur la Région de Bruxelles-Capitale, on comptait récemment environ 7 400 logements Airbnb, dont 2 200 rien que sur Bruxelles-Ville. Parmi ceux-ci, 73 % (environ 1 600) sont des logements entièrement dédiés à la location touristique et ce, régulièrement en infraction avec la réglementation. Ce phénomène n’est pas sans conséquence : des logements disparaissent du marché locatif traditionnel, accentuant la pénurie de logements et participant à la hausse généralisée des loyers.
Dans certains quartiers du centre de Bruxelles (Grand-Place, Bourse, etc.), la population locale a même diminué malgré la croissance démographique globale, suggérant que bon nombre d’appartements sont détournés vers la location touristique. Les autorités bruxelloises ne souhaitant pas reproduire le même schéma de villes comme Paris et Amsterdam, où la prolifération incontrôlée d’Airbnb a contribué à ce que les habitants désertent le centre-ville et provoque une envolée des prix.
Réglementations régionales : Un panel d’obligations
Les règles encadrant Airbnb varient selon les régions de Belgique. Voici les obligations clés pour louer son logement sur Airbnb dans chaque région :
- Bruxelles-Capitale : le régime le plus strict.
Toute location touristique doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de Bruxelles Économie et Emploi (ordonnance du 8 mai 2014). Le propriétaire (ou exploitant) doit constituer un dossier complet avec : preuve d’identité, contrat d’assurance et preuve de paiement, attestation récente de sécurité incendie, accord du propriétaire et de la copropriété le cas échéant, preuve que le logement respecte les règles d’urbanisme, plan et photos du logement. Une fois enregistré, un numéro d’inscription est attribué et doit être affiché visiblement sur le logement. Bruxelles impose aussi des normes de confort en fonction de la catégorie d’hébergement.
Important : la capitale limite la location touristique à 90 nuitées par an pour un logement donné afin d’empêcher qu’un bien soit loué en continu à des touristes (ce qui équivaudrait à le soustraire définitivement du marché résidentiel). Au-delà de ce seuil, le logement bascule dans une catégorie nécessitant des permis supplémentaires ou devient illégal si non autorisé. Bruxelles interdit de retirer un logement du parc immobilier dans le but d’en faire un Airbnb permanent. Le non-respect de ces règles expose à des amendes de 1 000 € par logement non enregistré et d’autres sanctions détaillée plus loin.
- Wallonie : enregistrement et permis récents.
En Région wallonne, il faut enregistrer son hébergement touristique auprès du Commissariat Général au Tourisme (CGT) via une déclaration d’exploitation sur l’honneur. Depuis Janvier 2023, la Wallonie a renforcé son cadre : un permis d’urbanisme est désormais obligatoire pour exploiter un gîte ou meublé de vacances, même occasionnellement. Ce permis, délivré par la commune, vise à autoriser le changement d’affectation du logement (sauf exceptions : les chambres chez l’habitant, les logements prêtés gratuitement ou déjà munis d’un permis antérieur spécifique sont exemptés). En plus du permis, le bailleur doit remplir la déclaration au CGT attestant notamment qu’il n’a pas de casier judiciaire, qu’il possède une assurance responsabilité civile, qu’il ne louera pas pour moins d’une nuit, et qu’il détient une attestation de sécurité incendie à jour. Une fois ces démarches accomplies (permis + déclaration + attestation incendie), le logement peut être légalement mis en location touristique. Les conditions de base en Wallonie (stipulées par le Code wallon du Tourisme) recoupent ainsi les exigences de sécurité et de qualité similaires aux autres régions.
- Flandre : décret tourisme et enregistrement.
La Flandre s’appuie sur le décret du 5 février 2016 relatif à l’hébergement touristique, entré en vigueur le 1ᵉʳ avril 2017. Ce décret impose 7 conditions de base obligatoires pour tout hébergement touristique :- une attestation de sécurité incendie,
- un logement maintenu en bon état de propreté
- une assurance incendie + RC exploitation
- l’absence de condamnation pénale de l’exploitant
- la mise en location pour au moins une nuit (pas d’Airbnb “à l’heure”)
- la preuve que l’exploitant est propriétaire ou locataire autorisé du bien
- la véracité des informations publiées sur l’annonce.
- Sanctions : Tout hébergement touristique flamand doit être enregistré auprès de Toerisme Vlaanderen (via un portail en ligne). La Flandre a un système proche de Bruxelles quant aux exigences de sécurité et d’assurance, mais avec une procédure administrative un peu plus simple (un enregistrement plutôt qu’un dossier d’agrément complexe). Des contrôles ponctuels sont prévus en cas de plainte ou de doutes sur le respect de ces règles, avec à la clé de lourdes amendes possibles pouvant aller, selon la loi flamande, de 250 € jusqu’à 25 000 € en cas d’infraction grave. Par exemple, ne pas se conformer aux normes de sécurité ou louer sans enregistrement expose le propriétaire à ces sanctions administratives.
- Exigences communes (niveau national).
Quelques conditions valent dans tout le pays :
– vous devez être propriétaire du bien (ou dûment autorisé par le propriétaire) pour le louer sur Airbnb
– ne pas avoir de condamnations pour certains délits
– respecter le seuil minimal d’une nuit par location
– disposer d’un logement répondant aux normes de sécurité de base (détecteurs de fumée, extincteur, etc.).
Une assurance incendie de l’immeuble est de toute façon fortement recommandée (voire exigée indirectement) partout. Enfin, la plupart des villes belges imposent une taxe de séjour aux hébergements touristiques (généralement quelques euros par nuitée) que le propriétaire doit collecter ou payer – nous en reparlerons dans la section fiscalité.
Fiscalité : taxes, revenus et nouvelles obligations
La fiscalité des locations Airbnb en Belgique se décompose en 2 : la fiscalité régionale (taxes de séjour locales) et la fiscalité fédérale (imposition des revenus locatifs). Ces dernières années, les autorités ont multiplié les outils pour mieux capter ces revenus et éviter la fraude fiscale.
- Taxe de séjour (régions/communes).
À Bruxelles-Ville, une “city tax” de 3 € par nuitée est due pour les hébergements touristiques “chez l’habitant” (taux en vigueur ces dernières années). D’autres communes ou régions appliquent des taxes similaires sur les nuitées touristiques. Par exemple, en Flandre, plusieurs villes touristiques prélèvent une taxe par nuit et par personne (variable selon l’endroit). En Wallonie, certaines communes à vocation touristique ont aussi mis en place des taxes de séjour. Airbnb ne collecte pas automatiquement ces taxes en Belgique, ce qui signifie que c’est généralement au propriétaire de déclarer et reverser la taxe due. Le cas de Bruxelles illustre les conséquences : comme beaucoup d’hôtes ne s’en acquittaient pas, la Région a réclamé rétroactivement la city tax impayée grâce aux données récemment obtenues (voir encadré contrôle plus bas).
- Impôts sur les revenus locatifs (État fédéral).
Fiscalement, louer via Airbnb peut rapporter un gros complément de revenu, mais il sera soumis à l’impôt. En Belgique, les revenus de location meublée à court terme ne bénéficient pas de l’abattement forfaitaire du bail privé classique. S’ils sont occasionnels, ils sont considérés comme des “revenus divers” et taxés à 30 % (montant ramené à 15 % après un forfait de charges de 50 % – régime applicable avant 2023). Cependant, dès 2024, un grand changement survient : les plateformes numériques doivent automatiquement transmettre au fisc les revenus de leurs utilisateurs (directive européenne DAC7). Concrètement, à partir de janvier 2024, Airbnb (tout comme Vinted, Uber, etc.) signale aux autorités belges l’identité des hôtes et le montant de leurs recettes annuelles, dès qu’ils dépassent 2 000 € ou 30 transactions dans l’année. Le fisc belge va utiliser ces informations pour croiser avec les déclarations fiscales et mieux contrôler les revenus Airbnb. Pour les propriétaires, cela signifie finie la tentation de dissimuler ces revenus : en cas de non-déclaration, le fisc sera automatiquement au courant et pourra appliquer des redressements.
- Comment ces revenus sont-ils imposés ?
Le SPF Finances a précisé le traitement des revenus de plateformes :- Si vous louez très occasionnellement (une fois, ou une seule année au-delà de 2 000 €), le fisc peut considérer qu’il n’y a pas lieu de vous taxer lourdement, surtout si c’est exceptionnel (ex. location ponctuelle pendant que vous voyagez).
- Si vous louez de façon régulière mais secondaire (activité récurrente en plus de votre emploi principal), les revenus sont imposés comme revenus divers, au taux forfaitaire de 33 % (depuis 2023, le taux des “divers” est harmonisé à 33 %).
- Si la location touristique devient une activité professionnelle à part entière (multi-logements, gestion quasi hôtelière), alors le fisc la requalifie en revenus professionnels soumis au barème progressif normal (jusqu’à 50 % d’impôt, plus les cotisations sociales éventuelles).
- En somme, un petit extra de temps en temps sera toléré, mais au-delà d’un certain seuil de régularité, Airbnb doit être déclaré et taxé comme n’importe quel revenu. De plus, en cas de manquement, des amendes peuvent s’ajouter : les propriétaires pris en flagrant délit de fraude fiscale (non-déclaration volontaire) risquent des pénalités pouvant aller jusqu’à 1 250 € d’amende et 200 % de majoration de l’impôt éludé.
- Réactions des plateformes et des hôtes.
Face au durcissement fiscal, Airbnb a communiqué sur la nécessité de règles « claires et équilibrées ». La plateforme affirme informer régulièrement les hôtes belges de leurs obligations locales et fiscales, via son centre d’aide et des emails, et se dit prête à dialoguer avec les autorités. Néanmoins, Airbnb regrette la complexité et l’ancienneté de certaines règles bruxelloises (datant de 2014), qu’elle juge inadaptées en 2025. Du côté des propriétaires, ceux qui étaient peu au fait de leurs obligations fiscales ont pu avoir des sueurs froides : début 2025, des centaines de Bruxellois ont reçu des taxations rétroactives comprenant plusieurs milliers d’euros d’impôts et de taxes locaux non payés. Cela a eu un effet électrochoc, poussant beaucoup d’hôtes à se mettre en règle ou à reconsidérer la poursuite de leur activité de location touristique dans ces conditions.
Contrôles, fraudes et moyens de détection
Devant l’essor d’Airbnb, les autorités belges se sont adaptés. Les contrôles se sont intensifiés, bien qu’ils restent très limités par les ressources humaines. Voici comment sont traquées les locations illégales et quelles sont les fraudes typiques constatées.
- Bruxelles : de la chasse manuelle aux données Airbnb.
Dès 2014, Bruxelles instaurait sa réglementation, mais pendant des années l’application est restée timide. Jusqu’en 2020, la Région de Bruxelles-Capitale ne disposait que de deux inspecteurs spécialisés pour traquer les « Airbnb clandestins ». Ceux-ci enquêtaient surtout sur plainte des riverains (voisins se plaignant de va-et-vient touristique, nuisances, etc.). Grâce à ces plaintes, une quarantaine de mises en demeure ont pu être envoyées en quelques mois en 2020. Une fois un logement suspect identifié, la Région ordonne au propriétaire de cesser la location touristique et de remettre le bien en location résidentielle classique sous peine d’amende pouvant atteindre 100 000 €. Toutefois, cette traque était fastidieuse : Airbnb ne divulguait pas les adresses exactes des logements car on ne les découvre qu’après réservation effective. Sans collaboration de la plateforme, les contrôleurs devaient ruser comme réserver pour obtenir l’adresse – un processus lourd et peu scalable. « Lorsque les plaintes seront épuisées, il deviendra difficile de poursuivre les infractions sans la coopération d’Airbnb », a affirmé l’un des inspecteurs bruxellois.
- La victoire judiciaire et l’accès aux données.
Le tournant a été un litige juridique entre la Région bruxelloise et Airbnb à propos de l’obligation de transmission de données. Bruxelles avait inclus dans son ordonnance fiscale de décembre 2016 un article imposant aux intermédiaires (Airbnb et consorts) de communiquer à l’administration fiscale les données des hébergements et le nombre de nuitées réalisées. Airbnb a contesté, arguant du droit européen, et le bras de fer s’est terminé devant la Cour de Justice de l’UE en 2022.
Verdict : la règle bruxelloise n’est pas contraire au droit de l’Union. Airbnb a donc dû s’exécuter et, une fois les données 2022 transmises, Bruxelles-Fiscalité (le fisc régional) a pu passer à l’action.
Résultat : près de 2 000 hébergements non enregistrés ont été rattrapés par le fisc bruxellois, avec à la clé 1,5 à 2 millions d’euros de taxes de séjour et amendes réclamés rétroactivement.
Des centaines de propriétaires bruxellois, parfois de bonne foi, ont ainsi eu la mauvaise surprise de devoir régulariser plusieurs années d’impayés, pour des montants atteignant plusieurs milliers d’euros chacun. L’administration dispose maintenant d’une base de données pour poursuivre les contrevenants à l’avenir. À noter : l’amende régionale pour non-enregistrement est de 1 000 € par unité louée illégalement, s’ajoutant aux taxes de séjour éludées (3 €/nuit à Bruxelles). Autant dire que ne pas déclarer son Airbnb peut coûter très cher.
- Renforcement des équipes et synergies.
Consciente de ses moyens limités, Bruxelles-Ville a décidé de renforcer la lutte au niveau local. Un plan d’action “Airbnb” a été lancé, prévoyant la création d’une cellule de contrôle dédiée au sein du service urbanisme. Du personnel supplémentaire a été engagé afin de détecter spécifiquement les Airbnb illégaux, avec un focus sur les quartiers les plus touchés. La ville collabore étroitement avec la Région ainsi que la police pour effectuer des opérations sur le terrain. 2 angles d’attaque sont utilisés :
– sanctionner l’infraction urbanistique (un logement transformé en hébergement touristique sans permis requis)
– taxer le bien comme inoccupé s’il n’y a aucun domicilié officiel.
Ceci car un appartement loué uniquement à des touristes n’a généralement aucun résident déclaré. Bruxelles-Ville considère alors qu’il s’agit d’un logement vide et peut appliquer la taxe sur les logements inoccupés en plus (ce qui représente une somme importante qui s’accumule chaque trimestre). Ces leviers peuvent coûter très cher aux propriétaires qui sont déjà incités à revenir à une location classique : sous la menace des sanctions, un propriétaire d’un immeuble près de la Grand-Place a remis 15 appartements sur le marché locatif traditionnel plutôt que de continuer en Airbnb. L’objectif affiché de la Ville est de récupérer 1 000 logements aujourd’hui consacrés à Airbnb d’ici la fin de la législature.
- En Wallonie et en Flandre : contrôles en progression.
Hors Bruxelles, la pression s’accentue également. En Wallonie, depuis l’instauration du permis d’urbanisme en 2023, les communes peuvent plus facilement repérer les locations non déclarées (absence de permis) et les signaler au CGT ou au fisc. Des équipes dédiées au contrôle des hébergements touristiques se mettent en place (par exemple, la Wallonie envisage des équipes de surveillance spéciales pour vérifier la conformité des locations courtes. En Flandre, la ministre du Tourisme a mené des actions ciblées : dès 2019-2021, la Région a pu obtenir via des “steekproef” (échantillons de vérification) les données de centaines de logements Airbnb à Gand, Bruges, Anvers, dans le cadre d’opérations pilotes. Ces contrôles rapides ont permis d’identifier de nombreux hébergements non enregistrés. Il y a eu quelques obstacles juridiques concernant la vie privée, ce qui a temporairement suspendu les collectes de données en 2022. Mais depuis fin 2022, la voie est libre : l’autorité de protection des données a validé la légalité des contrôles fondés sur le décret touristique flamand. Airbnb a accepté un accord de collaboration avec la Flandre pour fournir les données nécessaires lors de ces contrôles ciblés.
Désormais, Toerisme Vlaanderen (l’agence flamande du tourisme) coordonne des inspections, soit aléatoires, soit suite à plainte, et peut prononcer des sanctions administratives en cas d’infraction (amendes, suspension de l’enregistrement, etc.). On note aussi que certaines villes flamandes prennent des mesures locales : par exemple, Gand limite depuis quelques années la location entière d’un logement à maximum 90 jours par an (similaire à Bruxelles), et impose que la plateforme fasse respecter ce plafond. Bruges, quant à elle, réfléchit à restreindre les locations touristiques dans son centre historique pour préserver l’habitat local (mises en place de quotas de licences, etc.).
- Fraudes et astuces des propriétaires.
Qui dit restrictions dit parfois contournements. Quelles sont les fraudes potentielles autour d’Airbnb ?
La plus courante a été la non-déclaration des revenus au fisc (considérée comme fraude fiscale), mais désormais entravée par le partage automatique des données.
Vient ensuite la non-inscription auprès des autorités touristiques : beaucoup d’hôtes ne s’enregistraient pas officiellement pour échapper aux contrôles et taxes, se rendant ainsi illégaux d’un point de vue administratif.
Certains ont tenté de dépasser la limite de nuitées en jouant sur des astuces comme créer plusieurs annonces pour le même logement (sous des comptes différents) afin de louer plus que le quota permis, ou alterner entre différentes plateformes (Airbnb, Booking, Abritel…) pour diluer leur activité. Toutefois, ces ruses deviennent risquées avec la centralisation des informations.
On a vu aussi des cas de sous-location illégale : des locataires louant leur appartement sur Airbnb à l’insu du propriétaire, violant le bail.
Les copropriétés se plaignent également de locations clandestines qui enfreignent le règlement d’immeuble qui engagent alors des actions en justice contre les contrevenants (pour nuisance ou usage non autorisé).
Enfin, un autre phénomène est l’émergence de multi-gestionnaires qui opèrent sous le radar en gérant plusieurs biens pour des investisseurs : ils professionnalisent l’activité tout en essayant d’éviter le statut officiel d’hôtel ou de chambre d’hôtes (par exemple en déclarant chaque bien sous une personne différente de la famille pour paraître “amateur”).
Les pouvoirs publics affinent donc leurs méthodes de détection : croisement de données entre administrations, surveillance en ligne des annonces, et même appels aux dénonciations des voisins excédés.
Impacts sur le marché locatif et perspectives
La prolifération des locations Airbnb a un impact tangible sur le marché immobilier en Belgique, notamment dans les zones touristiques. Voici les principaux effets constatés et les évolutions attendues :
- Moins de logements disponibles pour les résidents.
Chaque logement converti en Airbnb à l’année, c’est un logement de moins pour les habitants locaux. À Bruxelles, les autorités estiment qu’un nombre significatif d’appartements (plusieurs milliers) ont été soustraits du marché locatif traditionnel à cause d’Airbnb. Cela contribue à la pénurie de logements, surtout dans les quartiers centraux et touristiques.
Conséquence : les candidats locataires peinent à trouver un domicile, et la concurrence fait grimper les loyers. Une étude à Bruxelles montrait un effet inflationniste sur les loyers dans les zones à forte densité d’Airbnb, bien qu’il soit difficile de quantifier exactement la part de responsabilité d’Airbnb par rapport aux autres facteurs (expansion démographique, spéculation, etc.).
- Pression sur les prix d’achat et spéculation.
La possibilité de tirer des revenus élevés d’une location courte durée incite certains investisseurs à acheter des biens uniquement pour cet usage. Cette spéculation supplémentaire accentue la hausse des prix immobiliers à l’achat.
Par exemple, dans les grandes villes touristiques du monde, on a observé que plus Airbnb prospérait, plus le prix au m² augmentait (Paris en est l’illustration citée : ~10 000 €/m² en partie sous l’effet d’Airbnb).
Bruxelles, bien qu’encore plus “abordable”, voit également son marché influencé : des immeubles entiers ont été acquis dans le centre dans le but d’être loués aux touristes. Cela évince des acheteurs-occupants classiques et transforme la fonction de certains immeubles (de résidentiel à quasi-hôtelier).
- Quartiers et vie locale transformés.
Au-delà des chiffres, la vie de quartier subit aussi l’impact de locations touristiques intensives. Des habitants permanents se plaignent de ne plus connaître leurs voisins dans des immeubles où la majorité des appartements sont des Airbnb de passage. Le sentiment d’insécurité ou d’anonymat peut augmenter avec des inconnus qui défilent chaque semaine. Les comportements des touristes, parfois peu soucieux des règlements locaux (tri des déchets, bruit nocturne), créent des nuisances dans des copropriétés normalement calmes. De plus, le tissu commercial s’adapte : dans les zones très touristiques, les commerces de proximité (boulangeries, pharmacies) laissent place à des commerces pour visiteurs (souvenirs, bars à la mode), ce qui peut appauvrir l’offre pour les résidents. Ces transformations alimentent un débat sur « l’équilibre touristique » : accueillir des visiteurs sans dégrader la qualité de vie des locaux
- Propriétaires : entre gain financier et incertitude.
Pour les propriétaires, Airbnb a longtemps été une aubaine financière : les revenus tirés de la location touristique peuvent dépasser de 2 à 3 fois un loyer classique mensuel lorsqu’un bien est loué très régulièrement à des voyageurs. Cela a aidé certains à rentabiliser un investissement ou à payer leur propre loyer.
Toutefois, aujourd’hui le contexte devient plus contraignant. Les hôtes belges doivent composer avec des obligations administratives lourdes (inscriptions, attestations, permis) et une fiscalité moins avantageuse qu’avant. Le risque de contrôle et d’amende est bien réel (comme on l’a vu à Bruxelles). Cela peut en décourager plus d’un ou réduire significativement la rentabilité nette de l’opération (après taxes et cotisations sociales, certains calculs montrent qu’il reste bien moins qu’espéré). On observe ainsi un léger reflux du nombre d’annonces Airbnb dans les zones qui ont sévi. Par exemple, après les amendes bruxelloises de 2025, certains propriétaires ont retiré leurs annonces pour revenir à la location classique ou vendre le bien, tandis que d’autres cherchent à professionnaliser leur activité (en créant de petites sociétés, en respectant toutes les normes) afin de continuer légalement, mais cela implique de nouveaux coûts (gestion, comptabilité, etc.).
- Administrations : recettes et coûts.
Pour les pouvoirs publics, Airbnb est un enjeu à double tranchant.
D’un côté, les recettes fiscales liées au phénomène ne sont pas négligeables : taxes de séjour, redressements d’impôts, taxes sur les inoccupés…
Par exemple, Bruxelles espère récupérer 1,5 à 2 millions d’€ juste sur les arriérés de 2022 grâce aux données Airbnb.
À plus long terme, la fiscalisation des revenus Airbnb alimentera l’impôt des personnes physiques de nombreux contribuables.
D’un autre côté, il a fallu investir dans des moyens de contrôle (embaucher des inspecteurs, développer des outils informatiques de collecte de données…) et cela mobilise du temps administratif.
Le bilan net pour les administrations dépendra de leur efficacité à automatiser la surveillance (via les données) plutôt qu’à mener de coûteuses chasses manuelles.
Au niveau sociétal, les communes touristiques cherchent aussi à préserver l’accessibilité du logement pour leurs habitants. Le combat contre les abus d’Airbnb s’inscrit dans une politique plus large de maintien d’un équilibre urbain entre vocation touristique et résidentielle.
- Tendances et avenir de la régulation.
On se dirige vers un modèle où la location touristique pourra perdurer de manière encadrée : occasionnelle et transparente. Les propriétaires belges qui louent ponctuellement une chambre ou leur logement pendant leurs vacances devraient pouvoir continuer sans encombre, moyennant les démarches de base, car cela ne nuit pas fortement au marché et contribue à l’économie touristique. En revanche, les multi-propriétaires et bailleurs intensifs seront de plus en plus poussés soit vers une réglementation professionnelle (par exemple, créer un véritable hôtel, un B&B déclaré, ou passer par une agence avec licence), soit vers l’abandon de cette activité.
Les autorités belges, à tous les niveaux, montrent une volonté de coordonner leurs efforts : la fédéralisation des données fiscales (DAC7) couplée aux réglementations régionales modernisées laissent penser que les failles se réduisent.
Il restera toutefois à surveiller l’impact de ces mesures sur le tourisme : une trop grande restriction d’Airbnb pourrait-elle freiner l’attrait touristique ou engorger les hôtels ? Les professionnels du tourisme (hôtels, auberges) se réjouissent en tout cas de règles plus équitables, après avoir longtemps dénoncé la concurrence déloyale d’Airbnb. D’ailleurs, certains hôtels commencent à adopter des stratégies inspirées d’Airbnb (par exemple des plateformes de réservation directes, flexibilité) pour s’affranchir eux-mêmes des commissions de plateformes.
Points-clés à retenir
- Réglementations multi-niveaux : La Belgique a trois régimes Airbnb différents (Bruxelles, Wallonie, Flandre) mais tous exigent enregistrement, sécurité incendie et respect de l’urbanisme. Bruxelles est la plus stricte (agrément préalable, max 90 jours/an), la Wallonie impose depuis 2023 un permis d’urbanisme, et la Flandre applique un décret à 7 conditions avec inscription à Toerisme Vlaanderen.
- Contrôles renforcés : Grâce à une décision européenne, Airbnb fournit désormais les données des locations bruxelloises au fisc régional. Résultat : des amendes et taxes rétroactives massives ont frappé les contrevenants (amendes de 1 000 € par logement non-enregistré + 3 €/nuit de taxe de séjour). Partout, les autorités utilisent plaintes, inspecteurs spécialisés, recoupement de données et sanctions lourdes pour dissuader les fraudes.
- Fiscalité et transparence : Depuis 2024, impossible de cacher ses revenus Airbnb : au-delà de 2 000 € par an, la plateforme les déclare au SPF Finances. Les loyers touristiques réguliers sont taxés (33 % en tant que revenus divers, voire comme pro jusqu’à 50 %). Les propriétaires doivent aussi s’acquitter des taxes de séjour locales (à Bruxelles 3 € par nuitée) sous peine de redressement.
- Impact immobilier : La prolifération d’Airbnb a contribué à la rareté des logements et à la hausse des loyers dans certaines villes. Les autorités réagissent en incitant le retour des biens sur le marché classique (objectif de 1 000 logements récupérés à Bruxelles). Airbnb a changé le visage de certains quartiers, soulevant la question de la cohabitation entre touristes et habitants.
La situation d’Airbnb en Belgique en 2025 est celle d’une normalisation : la période du Far West touche à sa fin. Des règles claires encadrent désormais la location touristique afin d’en canaliser les effets pervers tout en préservant ce qui en fait son succès (un complément de revenu pour les uns, une offre d’hébergement diversifiée pour les autres).
Pour les propriétaires et utilisateurs, l’important est de se conformer aux règles pour éviter les déconvenues.
Pour les villes et régions, le défi est de faire respecter ces règles avec suffisamment de moyens, sans pour autant étouffer l’attractivité touristique.
Comme souvent, la clé sera dans l’équilibre et l’adaptation continue face à l’évolution du marché.
Benjamin Pons – Pons Realty
Une réponse
Waouh, quel superb travail ! Merci, Benjamin, je crois que tu as vraiment synthétisé les informations pertinentes. J’espère que ça se propage comme texte de référence.